Cépage Seyval blanc
Au XIXᵉ siècle, l'Europe viticole a connu une révolution tragique. L'importation de cépages américains, introduits pour enrichir le vignoble, a également amené des parasites dévastateurs comme le phylloxéra et des maladies telles que le mildiou et l'oïdium qui sont des champignons. Ces fléaux ont ravagé les vignes européennes, forçant les viticulteurs à se tourner vers des solutions drastiques. Pour lutter contre le phylloxéra, les Européens ont adopté le greffage sur des porte-greffes américains résistants. Quant aux grands crus français, ils ont bénéficié de traitements chimiques particuliers comme l'injection de sulfure de carbone directement au niveau des racines. Cette méthode, bien que coûteuse, complexe et toxique pour les vignerons et l'environnement, a permis de sauver quelques parcelles prestigieuses. En parallèle, des chercheurs ont développé des cépages hybrides, issus du croisement entre vignes européennes (Vitis vinifera) et américaines (Vitis riparia, Vitis labrusca et autres). Ces hybrides présentaient des atouts considérables : une résistance accrue aux maladies et parasites, ayant même la capacité à produire du raisin sans traitement chimique. Techniquement, il s'agit de croiser deux espèces différentes pour combiner leur qualités. Contrairement aux porte-greffes, les hybrides produisent du raisin et donc du vin.
À partir du XXᵉ siècle, l’utilisation des cépages hybrides a été restreinte, puis interdite dans de nombreux pays européens, dont la France. Pourquoi ? Officiellement, les vins produits à partir d’hybrides étaient jugés de moindre qualité, avec des arômes dits “foxy” ou désagréables. Mais cette interdiction est-elle purement qualitative ou s’agit-il aussi d’une histoire politique ? Certains avancent que les hybrides, moins coûteux à cultiver, menaçaient les intérêts économiques des grands vignobles et des industries chimiques. En Espagne, la situation est différente, les cépages hybrides n'ont pas été totalement interdits comme en France, mais leur utilisation est restée très marginale. Ici, nous avons privilégié les cépages traditionnels autochtones adaptés à nos terroirs.
Aujourd’hui, les cépages hybrides connaissent un regain d’intérêt, notamment parmi les vignerons naturels qui cherchent à cultiver sans intrants chimiques. Pourtant, les appellations restent très restrictives sur ce qui peut être planté, favorisant les cépages traditionnels.. Le paysage viticole est dominé par quelques cépages : le Merlot, par exemple, représente à lui seul près de 15 % du vignoble national français. Cette uniformité est un frein à la résilience face aux changements climatiques et aux nouvelles maladies. À l’inverse, des pays comme l’Allemagne ou la Suisse autorisent une plus grande diversité, incluant des hybrides modernes, adaptés aux défis actuels. Comme cépages hybrides nous pouvons citer le Noah et l'Isabelle, deux hybrides américains qui ont survécu dans certains vignobles traditionnels espagnols, notamment en Galice, le Baco Noir, présent principalement en France ou encore le Felicia et le Vidal, peu connus, parfois utilisés pour des essais ou des projets de vinification naturelle. Plus récents, citons le Solaris et le Regent, deux hybrides ayant moins de 60 ans. En Espagne, des initiatives récentes dans des régions comme la Catalogne ou la Galice testent l’introduction de cépages hybrides résistants dans le cadre de projets biologiques. Ces efforts sont souvent menés par des petits producteurs ou des associations locales dans un esprit de préservation écologique. Les cépages hybrides ne sont pas encore très visibles dans les appellations traditionnelles, mais ils commencent à trouver leur place dans des vins hors des appellations, souvent produits par des vignerons naturels en quête de durabilité.
Avec le changement climatique, il est urgent de trouver des solutions résilientes face à des événements extrêmes comme la sécheresse ou les maladies émergentes. La question des hybrides revient sur la table, leur capacité à résister aux maladies sans traitements chimiques en fait des candidats sérieux pour une viticulture durable. La législation évoluera-t-elle pour répondre à ces enjeux ?
